Alors que les risques liés à l’intelligence artificielle font l’objet de nombreux reportages, les actionnaires d’Alphabet (anciennement Google) ont voté le 2 juin sur une proposition déposée par SHARE (l’Association des actionnaires pour la recherche et l’éducation), au nom du Régime de retraite de l’Église Unie du Canada, demandant qu’un examen rigoureux du système de publicité ciblée de la société soit mené par une tierce partie.
La proposition demandait à la société de procéder à une évaluation de l’impact sur les droits de la personne et faisait état de l’inquiétude croissante que suscite la forte dépendance de l’infrastructure publicitaire d’Alphabet à l’égard des technologies, y compris l’intelligence artificielle, qui n’a été soumise à aucun processus rigoureux de diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Ce type d’évaluation permettrait de cerner, de gérer et de prévenir les effets négatifs possibles des technologies de publicité ciblée sur les droits de la personne.
« L’activité commerciale liée à la publicité ciblée d’Alphabet représente environ 80 % des recettes de la société, ce qui signifie que tant qu’une évaluation rigoureuse n’a pas été menée, ses actionnaires sont exposés à une multitude de risques réglementaires, juridiques et d’atteinte à la réputation, affirme Sarah Couturier-Tanoh, directrice adjointe, Engagement et plaidoyer actionnarial à SHARE. Ultimement, l’absence de mesures précises de surveillance des contenus publicitaires risque de compromettre la valeur à long terme pour les investisseurs. »
Les agences en conseil de vote Glass Lewis et Institutional Shareholder Services, les grandes caisses de retraite américaines CalPERS et CalSTRS, le fonds de pension de la Ville de New York et la Norges Bank partageaient tous la position de SHARE sur cette question.
La proposition a reçu l’appui de 47 % des actionnaires indépendants et de 18 % de l’ensemble des actionnaires. L’écart marqué entre les deux pourcentages s’explique par la structure composée de l’actionnariat qui comporte plusieurs catégories d’actions et confère à 10 voix pour chaque action détenue par la direction d’Alphabet. Par principe général de bonne gouvernance d’entreprise, SHARE s’oppose à ce type de structures actionnariales.
Même si notre proposition d’actionnaire n’a finalement pas été adoptée, l’appui de près de 50 % des actionnaires indépendants est un signal fort adressé à la direction d’Alphabet pour lui faire comprendre que le système de publicité ciblée de la société suscite de vives inquiétudes et fait désormais l’objet d’une surveillance étroite. La mobilisation actionnariale est un processus dont les gains sont progressifs et demandent de la persévérance. Or justement, il se trouve que la persévérance est une qualité que le Régime de retraite de l’Église Unie du Canada possède en abondance lorsqu’il s’agit d’investir de manière responsable!